L'innovation pédagogique en 10 points
Depuis 2012, l'Open University britannique publie à l'automne un rapport
sur les plus fortes tendances de l'innovation pédagogique repérées au
cours de l'année. La publication est fort attendue, compte-tenu de
l'autorité dont jouit l'Open U dans le domaine des technologies pour
l'enseignement et l'apprentissage, et de son rôle dans de nombreux
projets liés aux sciences de l'éducation.
Le rapport dans sa version la plus récente consacre dix tendances et dispositifs éducatifs / d'apprentissage, à l'impact potentiel plus ou moins fort, à brève ou moyenne échéance. Il ne s'agit pas de faire un état de l'art des pratiques éducatives, mais bien de se livrer à un exercice prospectif basé sur l'observation d'indices pertinents. Les auteurs du rapport précisent que les tendances observées sont plus pertinentes pour l'enseignement supérieur que pour l'école et l'enseignement secondaire.
Les dix innovations pédagogiques de l'année 2013
1- Les MOOCs (Massive Open Online Courses). Impact potentiel : fort. Echéance temporelle : courte (1 à 2 ans). Le rapport rappelle qu'un MOOC est suivi par 20 000 participants en moyenne, dont 5 à 10 % vont jusqu'au bout. Le modèle pédagogique majoritaire est transmissif, mais on assiste actuellement à des expérimentations intéressantes du côté du social learning. Par ailleurs, les MOOCs traitent d'un nombre croissant de sujets et de disciplines.
2- Les badges. Impact potentiel : fort. Echéance temporelle : moyenne (2 à 5 ans). Les badges permettent à la fois de baliser les étapes d'un parcours d'apprentissage et de valider des compétences acquises dans un environnement informel. Les enjeux de leurs promoteurs sont désormais d'accroître leur présence sur les réseaux sociaux, de diversifier les "preuves" de compétence recevables et de les intégrer plus systématiquement aux parcours de FAD.
3- Les données d'apprentissage (Learning analytics). Impact potentiel : moyen à fort. Echéance temporelle : moyenne (2 à 5 ans). Ces vastes ensembles de données sur les apprenants et leurs contextes, recueillies au travers d'environnements médiatisés d'apprentissage, génèrent bien des convoitises. Mais les auteurs du rapport rappellent néanmoins que le premier sujet de recherche lié aux Learning analytics porte sur... la manière de les traiter de façon intéressante. Autres pistes explorées : leur intégration dans les cours en ligne existants, leur utilisation dans les MOOCs. la tendance va aussi vers un recueil de données non automatique, ie au travers de questions posées aux apprenants, plus que de traces recueillies par les systèmes.
4- L'apprentissage unifié (Seamless learning). Impact potentiel : moyen à fort. Echéance temporelle : moyenne (2 à 5 ans). Il s'agit là de la tendance observée de passer d'un terminal à l'autre, d'un environnement à l'autre, sans rupture d'apprentissage. Autrement dit, on peut commencer un travail sur son propre appareil ou dans les nuages en classe, le poursuivre à la maison ou sur le terrain, le traiter chez soi avec un groupe de travail à distance, et le partager enfin en classe. Le mouvement BYOD / AVAN (Bring your own devices ou Apportez vos appareils numériques) s'inscrit dans le droit fil de cette tendance de l'apprentissage diffus, non lié à un environnement spécifique.
5- L'apprentissage par la foule (Crowd learning). Impact potentiel : fort. Echéance temporelle : moyenne (2 à 5 ans). Apprendre des autres via les réseaux numériques et les activités informelles partagées sur le net, voilà le nouveau visage du social / crowd learning, apprentissage social à la puissance X. L'apprentissage n'est pas toujours reconnu comme tel, dans la mesure où il survient au travers d'activités spontanées, en contexte informel. Le défi est alors d'accompagner les internautes dans la reconnaissance et la gestion de leurs apprentissages, et de renforcer leur capacité à contribuer de manière significative à l'apprentissage de leurs pairs.
6- L'activité académique numérique (Digital scholarship). Impact potentiel : moyen à fort. Echéance temporelle : courte (1 à 2 ans). Deux tendances fortes dans cet ensemble d'activités : l'open access et les pratiques en réseau. Les enseignants et chercheurs profitent du numérique pour ouvrir l'accès de tous à leurs recherches, pour faire contribuer la foule à leurs travaux, et pour construire de nouveaux objets ensemble.
Les quatre tendances suivantes juissent d'un potentiel "disruptif" moins fort, ou à plus long terme :
7- L'apprentissage géo-localisé (Geo-learning). Impact potentiel : moyen. Echéance temporelle : moyenne (2 à 5 ans). Il s'agit d'apprendre en tirant profit de toutes les ressources de son environnement, et en combinant informations numériques et objets physiques (réalité augmentée).
8- Apprendre du jeu (Learning from gaming). Impact potentiel : fort. Echéance temporelle : moyenne (2 à 5 ans). Le rapport écarte d'un revers de main les effets superficiels de la "gamification" pour se concentrer sur les bénéfices plus profonds de la science du jeu pour l'apprentissage : sentiment de contrôle, immersion, cycle productif de réflexion / engagement, création de communautés d'affinités auto-organisées.
9- La culture du faire (Maker culture). Impact potentiel : moyen. Echéance temporelle : moyenne (2 à 5 ans). C'est la culture du "Faites-le vous-même", et si possible avec d'autres, dans laquelle l'apprentissage se réalise de manière informelle et avec une forte composante sociale. Cette culture souligne l'importance de l'expérience et de confronter la théorie à la pratique.
10- L'investigation citoyenne (Citizen inquiry). Impact potentiel : moyen. Echéance temporelle : longue. Il s'agit là de l'engagement de grands groupes dans de vastes dispositifs de recherche ou de collecte de données, exemplifié dans les projets de "sciences citoyennes". La collecte de données en une multitude de points par une multitude d'individus, l'effort conjugué de milliers de contributeurs permettent de modéliser des processus complexes.
Ces dix tendances vont-elles devenir des mouvements de fond, révolutionner l'enseignement et l'apprentissage ? Clairement, l'emballement autour des MOOCs par exemple, est encore en phase ascendante, à moins que les premières réserves que l'on commence à voir apparaitre ne préludent au désenchantement qui surviendra inévitablement après tant d'enthousiasme et d'espérances irraisonnées. Et les auteurs d'ajouter ce que tout le monde sait, malheureusement :
"L'éducation formelle - au niveau de l'enseignement primaire, secondaire ou universitaire - est un système super-stable, qui est construit sur un ensemble imbriqué de conventions d'enseignement, de méthodes de conception programmes, de recrutement, de procédures d'évaluation et d'accréditation qui résiste au changement externe. L'ajout d'une innovation majeure peut perturber le système et provoquer des changements inattendus, comme cela s'est produit avec les transactions automatisées dans le secteur de la finance. Mais plus probablement, l'innovation sera absorbée. Les MOOC causeront-ils une perturbation majeure dans l'éducation ? Probablement pas, si l'on se base sur l'expérience passée".
Nous voici prévenus.
RÉFÉRENCE :
Sharples, M., McAndrew, P., Weller, M., Ferguson, R., FitzGerald, E., Hirst, T., and Gaved, M. : "Innovating Pedagogy 2013: Open University Innovation Report 2". Milton Keynes: The Open University, 2013. http://www.open.ac.uk/personalpages/mike.sharples/Reports/Innovating_Pedagogy_report_2013.pdf
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